Partez à travers les ruelles du village, et découvrez les bâtiments, les coutumes et les traditions qui font l’histoire de Colmars.
1- LES GRANDES ETAPES DE FORTIFICATION
Les fortifications telles que nous les avons sous les yeux ont fait l’objet de trois grandes phases de construction :
-1/ Au XIVe siècle, la succession de la Reine Jeanne, assassinée en 1382, plonge le Comté de Provence dans la guerre civile dite « Union d’Aix ». Partisans de Charles de Duras, neveu de la Reine, et partisans de Louis d’Anjou, successeur légitime, s’affrontent. Dans le Haut Verdon la communauté d’Allos prend parti pour les premiers et fait sécession du Comté de Provence pour s’attacher au Duché de Savoie. Colmars devient ville-frontière de la Provence. Des remparts sont érigés dont il subsiste les grandes tours carrées avec leurs meurtrières à arbalètes.
– 2/ Au XVIe siècle, les premiers réaménagements ont lieu.
François Ier est alors en guerre contre Charles Quint pour la domination du Milanais. Colmars est située sur le passage des armées qui transitent entre la France et l’Italie. Le roi demande le renforcement de la fortification et surtout de l’accès à la ville: construction de mâchicoulis (balcon suspendu contre la tour carrée de droite) témoins de cette étape de la fortification.
En 1591, la ville est presque entièrement rebâtie après une attaque. Elle est alors agrandie vers le sud grâce à de nouveaux remparts.
– 3/ À la fin du XVIIe siècle, les fortifications prennent leur visage actuel. La politique d’extension du Royaume de France n’est pas au goût des autres pays voisins qui décident de s’unir en créant la Ligue d’Augsbourg. En 1690, la guerre est déclarée et le Duché de Savoie rejoint la Ligue. Louis XIV va envoyer son Commissaire Général des Fortifications, Vauban, afin de renforcer toutes les places fortes situées sur la frontière alpine. Le projet de Colmars est daté du 31 janvier 1693. Il prévoit huit tours bastionnées autour des remparts, deux demi-lunes en avant des portes et deux forts dominant le village. Ce projet ne sera que partiellement appliqué.
2- LE FORT DE SAVOIE
Sa construction commence en avril 1693, d’après les plans de Creuzet de Richerand, Directeur des Fortifications du Dauphiné, et sur les conseils du Maréchal de Catinat. En octobre 1700, Vauban inspecte Colmars et critique sévèrement ce fort qu’il juge inadapté : murs trop bas et fins, tour ronde trop étroite pour y tirer au canon. Il dessine un projet plus ambitieux qui ne sera jamais réalisé.
La première enceinte du bâtiment, ou « bas fort », est entourée d’un chemin de ronde bordé d’une échauguette et d’une tour pentagonale sans toit. Le bâtiment bas ou « corps de garde » est
un lieu de repos pour les soldats.
Au fond de cette cour, s’ouvre l’accès à la deuxième enceinte qui était protégé par une ancienne douve et un pont-levis.
A droite de cette entrée, encastrées dans le mur, subsistent trois colonnes, vestiges de l’ancienne collégiale Saint Martin du VIIIe siècle et peut-être d’un temple romain dédié à Mars. Dans la seconde enceinte, le grand bâtiment couvert, de forme trapézoïdale, se compose de quatre salles en enfilade destinées au logement des soldats. Cent cinquante hommes s’y répartissent en suivant l’ordre hiérarchique. A l’étage, la tour ronde ou « tour de guet » est utilisée pour la surveillance ; la salle d’armes sert aux exercices de tirs. Au nord, sont regroupées la citerne qui alimente le fort en eau et la poudrière « à l’épreuve des boulets ». Au niveau supérieur, un espace couvert, servant sans doute de cuisine, présente les traces d’une ancienne cheminée. Il donne accès à la partie dominant la vallée vers l’amont et la frontière toute proche, avec ses murailles épaisses et ses échauguettes de surveillance.
3- LA PORTE DE SAVOIE
Cette porte, qui existe déjà au XIVe siècle, voit son système de défense amélioré au XVIe siècle par François Ier. Il ajoute une un mâchicoulis. Ce système s’est sont avéré bien utile. On le retrouve sur la Porte de France, deuxième entrée principale. Face à vous sur la butte, se trouve le Fort de Savoie. Observez bien sa silhouette, elle ressemble étrangement à la montagne au second plan. Surprenant !
Définition mâchicoulis : balcon permettant le jet sur l’assaillant de projectiles variés Comme à la porte de France la barbacane est construite en 1692 d’après les plans de l’ingénieur Niquet.
4- LA CHAPELLE SAINT JOSEPH
Elle date du début du XVIIe siècle mais a été intégralement reconstruite après le grand incendie de 1672. Elle est utilisée par les pénitents gris très présents et actifs dans les villages de la vallée jusqu’au début du XXe siècle. Cette confrérie joue un rôle à la fois religieux et social.
À gauche de la porte, se trouve l’ancien blason de Colmars pour lequel les interprétations sont nombreuses. Il semble figurer une croix (allusion à la ferveur religieuse), les instruments du maçon et du charpentier (référence à l’artisanat local), un bélier (référence à l’économie de la vallée) et COL : les trois premières lettres de Colmars.
5- POULIES ET BARILLONS
Autrefois, la rue de Goin, ancienne rue principale, voit passer charrettes et tombereaux. Le foin est hissé jusqu’au grenier sous forme de barillons à l’aide d’une corde passée dans la poulie. Ici, c’est le cheval « Coquet » qui assure la traction. Observez bien sous les toitures du village, de nombreuses poulies sont encore conservées.
Sur cette photo ancienne, le bâtiment à gauche au premier plan a servi successivement d’école et de bureau de poste. Sur la droite, le café-restaurant tenu par Paulin et Pauline GIRIEUD reçoit, entre autres, le festif banquet des chasseurs
6- LE CLOCHER
À l’origine, le clocher de l’église Saint Martin ne comporte qu’un étage. Il est surélevé deux fois de 4,50 m en 1648 puis en 1846. Ainsi, il domine mieux la toiture de l’église récemment refaite et le son des cloches peut atteindre les habitations lointaines. Regardez bien : on voit les étapes de la construction !
En 1845, le conseil municipal autorise les travaux de l’exhaussement du clocher, précisant qu’il ne participera pas aux dépenses mais fournira les bois. Le curé et ses ouailles assureront seuls les frais restants !
La Porte des Glacis, à votre gauche, est percée dans les remparts en 1912. Dès 1908, un trou permet déjà aux enfants de se rendre plus facilement à l’école à l’extérieur des murs.
7- LA PLACE
Cette place est restée longtemps la seule du village. On y trouve à la fois l’animation du marché et l’exécution des sentences publiques. Cette Halle était couverte d’une lourde charpente en bois, démontée en 1894. Au XVIIe siècle, l’évêque de Senez en visite pastorale à Colmars est choqué par la présence de deux instruments de torture près des portes de l’église. Il demande leur déplacement : « le divin service en sera plus audible et moins injurieux ».
Le Monument aux Morts est inauguré le 21 août 1921. Il est en pierre marbrée de Colmars et en marbre de Carrare pour les tableaux et les colonnes. Traditionnellement, la bravade de Saint Jean-Baptiste ne manque pas d’y présenter les armes lors des festivités du 24 juin.
8- LA BUGADE
Le Bassin-Bas est bâti en 1635 : c’est la première adduction d’eau du village. La canalisation est réalisée en bois de mélèze. La Fontaine Neuve, circulaire, est ajoutée en 1803.
Endroit important et convivial puisque lieu de bugade, il s’y fait deux grandes lessives pour chaque famille, l’une au printemps et l’autre en automne. Les gros draps et autres linges sont d’abord trempés à la cendre une journée à la maison. Le lendemain, tout se passe à la fontaine : battoirs et brosses vont bon train, au rythme de papotages et chansons car la tâche est rude. Écoutez bien… Les murs s’en souviennent encore !
9- LA CASERNE
Bâtiment ancien reconstruit par la communauté après le grand incendie de 1672 pour y installer l’hospital des Bourgeois. En 1795, l’autorité militaire l’achète pour en faire une caserne : la charge était trop lourde pour les colmarsiens qui assuraient « le feu et la chandelle » pour la troupe et les officiers – jusqu’à 300 hommes et 100 chevaux et plus encore en période de conflit !
Dès 1870, la communauté loue le premier et le deuxième étage du bâtiment pour y installer l’école de garçons. C’est aujourd’hui un gîte d’étape.
10- LA POUDRIERE
Magasin à poudre édifié à la fin du XVIIe siècle. Lors de sa visite en 1700, Vauban l’estime aux normes « à l’épreuve des boulets ». Dès sa construction, la place est interdite aux habitants pour des raisons de sécurité. Le 4 juin 1730, à la demande insistante de la population, l’Intendant Lebret en autorise de nouveau l’accès.
En 1775, au plus fort de l’activité militaire, la Poudrière contient 225 quintaux de poudre gerbés sur plus de 5 m de haut, 600 fusils et 20 000 cartouches. Faute de place suffisante, la construction de l’Arsenal (actuelle salle des fêtes au fond de la place) débute en 1775 pour le stockage des armes. Désormais, la poudrière ne contient que de la poudre.
À côté de vous, la porte du Barri donnant sur l’ancien pré de foire (tennis) est ouverte en 1936. Son percement aurait dû être antérieur mais la première guerre mondiale a retardé les travaux.
11- LES CHAMBRETTES
Au premier étage de cette maison existait l’une des chambrettes du village. Légalisé en 1857 par le Préfet des Basses-Alpes, c’est
un lieu de réunion exclusivement masculin. On y joue, on y déguste de riches plats confectionnés auparavant par les femmes. On y discute, souvent avec passion, des problèmes politiques et des décisions à prendre pour la communauté.
Derrière vous, l’ancienne calade (pavement de pierres rondes du Verdon) est la seule rue pavée ancienne qui demeure. Vous pouvez observer au centre la rigole pour l’écoulement des eaux.
12- LA TOUR DES PRISONS
Depuis le Moyen-Âge, Colmars jouit de privilèges et de franchises qui lui confèrent, notamment, le droit de basse justice.
En 1690, ce bâtiment appartient à un habitant de Colmars. Devant la menace d’invasion savoyarde, la maison est réquisitionnée comme corps de garde de la Porte de France. Elle devient ensuite salles de discipline pour les troupes tenant garnison à Colmars et enfin tour des prisons.
13- LA PORTE DE FRANCE
Les colmarsiens ont toujours défendu courageusement leur cité. Ce patriotisme leur a valu de conserver leurs nombreux privilèges. Ainsi, François Ier leur a-t-il donné ses armes visibles sur sur la porte de France (pièrre de réemploi); observez bien ce blason. Les fleurs de lys et la salamandre ont été martelées à la Révolution mais l’inscription en latin demeure : « 1527 an de notre Seigneur Jésus-Christ au temps de François notre Roi ». Cette même année, Colmars reçoit le titre honorifique de Ville, preuve d’une grande reconnaissance. La barbacane a été construite d’après les plans de l’ingénieur Niquet en 1692.
Les deux portes étaient fermées chaque soir à 22 h. Sur cette photo de 1908, vous pouvez deviner les battants en bois
14- GRENIERS ET LAVOIR
Sur l’espace à droite, se trouvait l’ancien lavoir, démonté puis reconstruit au pied du Fort de France vers 1947. Les lessives dégoulinantes ne favorisaient certes pas l’esthétique des remparts pour les premiers touristes mais ce déplacement souleva un tollé parmi les villageois !
Sous les toits, on remarque des greniers ouverts, les souleiares : lieux bien exposés pour sécher foin et denrées diverses ou s’installer au soleil pour besogner.
Ce bel ensoleillement, en desséchant tout, fait courir de gros risques d’incendie. Le 8 août 1672, tout Colmars s’embrase !
L’évêque de Senez raconte : « Le feu étoit si violent qu’une maison n’étoit pas si tôt attaquée qu’elle étoit réduite en cendres, parce que toutes leurs provisions de bois et d’huyle etoyent faites pour 8 mois qu’ils ne sortent à cause des neiges et de l’hyver, qui commence de bonne heure en ce pays-là et qui ne finit qu’au moy de mai ».
15– LE FORT DE FRANCE
Dans son projet de 1693, Vauban propose d’encadrer la cité de deux redoutes. Son adjoint, Creuzet de Richerand, réalise ici, selon ses propres conceptions, une redoute carrée de 25 m
de côté, entourée de fossés de 7 m, peu profonds et non inondables. Ses murs sont très épais : plus de 4 m à la base et 2 m au cordon. Elle est reliée au village par une communication appelée double caponnière : ces deux murs fortifiés mettent les soldats à l’abri des tirs ennemis. Ils utilisent également ce passage pour entrer le soir au village. Il incombe aux colmarsiens de loger, nourrir et entretenir cette troupe. Le Parlement de Provence les dédommage pour cette charge.
À l’intérieur, se trouvent une petite cour rectangulaire et deux courettes de 20 m2 chacune dont le sol est en galets du Verdon. L’une est utilisée par l’officier et l’autre par les soldats. On ne se mélange pas ! Ces deux pièces étaient couvertes mais leur toit s’est effondré un hiver sous le poids de la neige.
La surveillance des quatre côtés est assurée par un chemin de ronde et deux échauguettes placées en diagonale.
Accès libre.